Écrire un texte ou ne pas écrire un texte ? Peut-on écrire quelque chose qui a du sens dans un moment pareil ? Les émotions sont si intenses que je sens le besoin d’en pousser quelques-unes sur les touches de mon clavier. J’ai écrit ce texte par petits bouts, au cours des six derniers jours.

Parce que… une semaine a passée.

Six personnes d’exceptions ont amassé des sous durant des mois pour faire un voyage bien spécial. Ils ne sont pas allés sur les plages, ils ont choisi d’apporter leur aide à des gens dans le besoin. Simplement parce qu’ils ont un cœur grand comme l’Afrique… oui, ça existe des gens comme ça ! Comme ce sont des passionnés d’éducation, ils ont choisi de retrousser leurs manches pour des écoles. Ils ne demandent pas de subventions et ne joignent pas un organisme « officiel », ils montent dans un avion avec les poches pleines et reviennent les poches vides et le sourire large. Simplement.

Moi, je les encourageais comme je pouvais. J’ai participé dans la mesure de mes possibilités à leurs activités de financement. Comme c’était le quatrième voyage de Yves Carrier, et qu’il en parlait avec une telle passion, je peux même écrire que naissait en moi le rêve de l’accompagner pour un prochain départ… j’aurais aimé photographier tout ça. J’aurais aimé revenir avec la même lumière que j’ai vue dans leurs yeux quand ils parlaient du Burkina Faso… et surtout des Burkinabés.

Chums_de_peche

Parce que les Carrier, je les connais bien. Un de mes plus grands chums est le conjoint de Maude… et comme c’est un clan familial tissé serré, j’ai plusieurs fois croisé Gladys et Charlelie. J’allais pêcher depuis une dizaine d’années avec une quinzaine de boys vraiment trippants dont faisait partie Yves Carrier et Louis Chabot. J’ai souvent parlé de ces voyages de pêche sur mon blogue.

Vendredi dernier, le plus désastreux des hasards a fait que nos amis ont vécu l’horreur. Ils se sont trouvé sous les balles de jeunes radicaux d’une branche d’Al-Qaida. Leur communiqué dit qu’ils voulaient attaquer « les méchants exploiteurs qui pillent l’Afrique », laissez-moi écrire qu’ils ont manqué leur coup en tabarnak.

J’ai appris la nouvelle samedi après-midi par la bouche d’une journaliste qui cherchait à confirmer « la nouvelle ». Complètement abasourdi, knocké, je ne voyais pas d’autre endroit dans l’univers où me trouver qu’auprès de mon ami Yves et de ses cinq filles. J’ai jeté un peu de linge dans une valise et j’ai pris la route en faisant fonctionner les essuie-glaces et mes paupières pour bien voir devant moi.

C’est gros dans les médias, mais j’ai peu suivi les choses, j’avais d’autres chats à fouetter… j’ai vécu ces quelques jours près d’un ami sidéré et d’une famille déchirée. Bien sûr, j’avais moi aussi, une boule de quilles dans la gorge. La nature des événements est tellement incroyable, tellement choquante, il n’y a pas de recette pour vivre une peine pareille. On se disait : « vivons ça, un quart d’heure à la fois ». Un long enchaînement de quarts d’heure, plusieurs tristes, d’autres choquants, des longs, des touchants, des beaux et même quelques drôles.

On se sent tellement inutiles et impuissants devant ça. On aimerait trouver une façon de défaire les événements, d’effacer la tragédie, de retourner dans le temps… mais, ce n’est pas possible et ça nous pulvérise complètement.

Maude

Il y a eu un très beau moment mardi durant lequel Yves nous a parlé de sa Maude, il nous a raconté leurs premiers jours, leur rencontre. Pour ma part, dès que je pense à Maude, je la vois qui me dit « Max, tu vas rester souper avec nous, hein ? ». Je la vois avec son sac à dos et ses deux bébés, quand on s’est croisés à Carcassonne ou sur la plage du Maine, qui me montre « sa maison de rêve ». Si belle et si énergique. Veille sur eux Maude, ils t’aimaient tant.

Yves et Louis quant à eux, c’est les images de la pêche qui me viennent en tête. La bonne humeur à toute épreuve de Yves, les parties de cartes avec Louis, Yves qui déclare en fin de soirée « je pense que je suis un petit peu paqueté » en séparant bien toutes les syllabes. Il y a aussi d’innombrables anecdotes qui sont déjà passées « à l’histoire » de notre groupe de pêcheurs et qui nous feront sourire pour des années encore.

Groupe_de_pecheurs

Je suis retourné à ma vie, j’ai retrouvé les miens et mon train-train. Oui, j’ai ma peine… mais ça n’a rien à voir avec le trou dans le cœur de mon vieux pote. Je suis si triste pour lui et ses enfants, pour cette perte gigantesque. Mais la famille est belle : trois grandes filles, belles et brillantes, deux petites boules d’énergie allumées et rayonnantes, avec un papa solide et aimant. La vie va continuer, la largeur de la plaie va se réduire au fil du temps et le bonheur sera toujours là. C’est ce que Maude aurait voulu et « quand Maude voulait quelque chose, elle faisait en sorte que ça arrive ! »

À toi qui as lu ce texte jusqu’ici, mords dans la vie, sois vrai, réalises tes rêves, exploites tes talents, aide autour de toi, fais rire quelqu’un chaque jour, aimes, voyages, vis plus… et chéris tes enfants.