Voici que le conflit est terminé, le Journal de Montréal va bientôt reprendre sa vie de façon différente. Je sais que ces deux années de grèves auront fait grincer bien des dents et laisseront leurs traces dans l’histoire syndicale du Québec, mais je ne suis pas assez au courant des enjeux pour porter un jugement et je n’ai surtout pas envie de savoir qui remporte la palme de la mauvaise foi. Je ne ferai donc pas mon «gérant d’estrade» avec le contenu de cette entente.

Dans la vie, je suis un entrepreneur et un patron, le dernier chèque que j’ai reçu d’un employeur remonte à l’époque où les journalistes n’avaient pas d’ordinateurs portables, ni de téléphones cellulaires. Il va sans dire que je n’ai jamais payé une cotisation syndicale de ma vie. Dire que je suis un syndicaliste serait tout simplement faux… Bien que je sois très conscient de tout l’apport des syndicats dans l’évolution historique de l’humanité. Je sais qu’il faut des syndicats dans la société… mais je pense aussi qu’il faut des patrons et des entrepreneurs à qui on laisse assez de latitude pour nourrir leurs projets.

À mon sens, la bonne nouvelle concernant la fin de ce conflit est la survie de Rue Frontenac. Montréal peut très bien accepter un autre média, une nouvelle voix indépendante… en dehors des grands empires. Je consultais fréquemment le site de Rue Frontenac et je continuerai. Aux «lockoutés» qui nous ont exhortés à boycotter, qui ont prétendu que le Journal faisait de l’argent comme de l’eau et qui accusent M. Péladeau de tous les maux, vous avez votre chance de créer quelque chose, de créer vos conditions de travail et de faire de ce nouveau journal un succès ! Belle façon de faire payer l’affront de votre ex-employeur.

Je lisais ce texte de Martin Leclerc qui nous explique à quel point le Journal est mal géré, mal foutu et inintéressant… l’occasion est belle, la brèche est là, sautez dedans.

Et en plus… Vous bénéficiez d’un immense capital de sympathie dans la population.

Vous avez maintenant la chance de créer une entreprise qui vous ressemble, qui respecte vos valeurs de solidarité, qui paye ses journalistes pigistes à leur juste valeur, qui n’est complaisante avec personne et qui n’accepte que des annonceurs de qualité. Vous pourrez maintenant mener la barque à votre façon !

On dit que ceux qui perdent leur poste se partageront 20 millions de dollars en primes de départ ? Méchante belle somme pour démarrer une entreprise solide qui ne dépendra de personne ! Voyez-vous ça dans quelques années : Rue Frontenac, un quotidien moderne et dynamique (fondé avec l’argent de Québécor) qui dépasserait le lectorat du Journal de Montréal ?

Si j’étais l’un d’entre vous, ce projet m’exciterait mille fois plus que de retourner au travail la queue entre les jambes. Je me demande bien d’ailleurs, qui aura envie de retourner prendre son poste ? Je me demande bien pourquoi vous n’avez pas déjà pris cette voie ? Moi, la seule idée d’être un syndiqué suffit à me faire fuir.

Bien sûr, certains d’entre vous préfèreront prendre leur chèque et repartir dans leurs terres… Éventuellement, retrouver une belle «job steady», protégée à mort par un bon syndicat ? C’est correct, ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir de l’entrepreneuriat.

Parce que lancer son entreprise n’est pas une mince affaire : faire des concessions, travailler d’arrache-pied, prendre des risques, ne pas avoir de sécurité, embaucher, mettre à pied, etc. Vous connaissez le refrain.

Bien sûr, quand les temps seront plus difficiles, vous ne pourrez plus jeter toute la faute sur le dos du patron. Bien sûr, vous devrez peut-être vous serrer la ceinture et rogner un peu dans les vacances. Mais, ça vaut la peine… c’est bien plus excitant !

Même si ce texte a été écrit avec trois ou quatre molécules d’ironie, je suis sincère quand je souhaite une longue vie à Rue Frontenac. Je souhaite tout le succès du monde à ceux qui auront le courage de passer de syndiqués à entrepreneurs et qui sortiront le meilleur d’eux même pour mener à bien ce projet… et fournir de bons emplois dans la collectivité.

C’est ce que nous promet Martin Leclerc dans son texte… et j’y crois.