Pour ceux qui ne le savent pas encore, j’ai rencontré la charmante Sophie par un site internet de rencontre. Un de ces couples qui se sont écrit des tas de messages avant de se voir la couleur des yeux. Je suppose que ce genre de rencontre sera la norme pour la génération qui nous suit, mais moi, j’ai l’impression d’avoir été parmi les pionniers.

Mes recherches ont été longues et j’ai rencontré plusieurs filles avant de sentir un petit cataclysme dans ma poitrine, un certain soir d’hiver, dans un resto africain de la rue St-Denis. De nombreuses pages de textes, des heures de babillage téléphonique, des tête-à-tête aux restaurants et aussi… quelques (rares) explorations sous la couverture. Plusieurs fois, j’ai eu envie de vous raconter mes péripéties de cyberrencontres. En voici un premier volet :

Y avait cette fille. La photo est très correcte, elle me rédige de beaux et longs messages, je lui écris en prenant soin de sortir ma plus belle plume, je lui pose des questions, elle me répond rapidement et avec un petit sourire dans le texte qui m’allume. Bref, je m’emballe. J’en parle autour de moi, mes pieds quittent doucement le sol. La première fois au téléphone, je suis stressé, je parle comme une pie, je la laisse à peine placer deux mots. Mais elle rit souvent et je suis heureux.

Quand le jour «J» arrive, on prévoit une ballade au Jardin botanique, visite de l’insectarium avec souper ensuite. J’arrive avant elle sur place et je m’installe sur un banc. Nerveux. Très nerveux. Elle arrive enfin. Quoi ? C’est elle ? Déception. Immense déception. Un océan de déception. On n’a pas encore formulé deux phrases que mon enthousiasme qui était à la cime des arbres se retrouve dans le fond de la plus profonde des galeries souterraines d’une mine. Sur la photo que j’ai vue, ce n’est pas elle. En tout cas, en cherchant une petite parcelle de bénéfice du doute, je dirais que ça peut être elle… mais, il y 10 ans, minimum. La personne devant moi ne me plaît pas. Rien à faire, c’est chimique !

Le pire, c’est qu’elle m’a menti ! Envoyer la photo de quelqu’un d’autre ! Qu’est-ce que je fais ? J’aurais vraiment dû partir. «Désolé Madame, y a erreur sur la personne, je m’appelle Paul et je ne connais personne du nom de Max». J’aurais dû partir, mais je me suis parlé à la place. Je me suis dit : «Max, elle te plaisait par écrit et au téléphone, allez, donne-lui une chance. Le physique, ce n’est pas le plus important, tu vas peut-être remercier le ciel d’être resté». Des choses du genre.

Je vous fais une histoire courte, ce fut une des journées les plus plates de ma vie. Aucun sujet de conversation, elle était hypergênée, on s’est emmerdé royalement. Au milieu de l’après-midi, j’ai proposé d’aller la reconduire. Je suis retourné chez moi avec ma déception dans une remorque et je n’en ai plus jamais entendu parler.

Ça se passait au début, j’étais encore «vert». Je ne connaissais pas encore ce qui est devenu ma règle numéro un : ne jamais se créer d’attentes. La fille est fine, est belle et elle t’écrit de beaux messages ? Du calme. De grâce, du calme. C’est juste du texte et les 22 pages que tu lui as envoyées ne représentent que l’équivalent d’une conversation de 30 minutes. Dans ce genre de rencontre, il ne faut laisser son imagination s’emballer… parce qu’on est nécessairement déçu.

Le lendemain de cette rencontre, j’ai examiné la photo attentivement. J’y décelais une vague ressemblance, un petit quelque chose. Peut-être sa soeur, ou une cousine. J’ai relu aussi tous ses textes… avec un regard bien différent. Ils m’allumaient beaucoup moins maintenant que j’en connaissais l’auteur.