Rambo

Je continue à essayer de me mettre dans la peau des sinistrés de la Nouvelle-Orléans. J’imagine que je suis prisonnier de ma maison depuis quelques jours, il fait très chaud, ça sent mauvais, je n’ai plus d’eau potable, plus rien à manger, j’ai entendu des coups de feu et y a des alligators qui rodent. Je suis en furie contre mon gouvernement. Normal.

Dans ma tête, j’ai une image de l’armée américaine, la plus puissante armée du monde avec toute sorte de gugusses électroniques pour tuer à distance… sans se salir. J’ai vu ça aux informations. J’ai aussi vu des centaines de films conçus à la gloire de cette armée, des films qui nous présentent des soldats musclés, braves, forts et brillants. De vrais Rambos capables d’envahir un pays sans perdre un seul de leurs «brothers». Je me trouvais presque chanceux d’être sinistré dans un pays aussi bien organisé. J’avais hâte qu’un Rambo arrive avec son hélicoptère pour me sauver. Mais là, j’ai faim et je ne ris plus.

Au moment où je me demande pour la millième fois ce qu’elle fout cette satanée armée, j’entends un bruit de moteur et je vois au loin un tout petit bateau qui avance, conduit par un militaire. Une vulgaire chaloupe pour la pêche, en bois ! Ç’a été tellement long, je me demande s’il n’arrive pas directement d’Irak avec sa chaloupe. À mesure qu’il s’approche, je constate que le militaire est tout petit et qu’il a environ l’âge de Britney Spears. Il affiche une mine de conquérant, mais en même temps, il semble avoir peur de chavirer dans les eaux malpropres avec sa lourde mitraillette. Pas habitué à se salir, le petit. Et puis, qu’est-ce qu’il fait avec sa mitraillette et ses lunettes fumées ? J’ai faim moi. J’aurais préféré un livreur de pizza à une demie-portion de Rambo.